par François Alfonsi
Il faut mettre la Corse au pas ! Voilà plusieurs mois que les actes s’accumulent d’un État pour qui tous les coups sont permis.
Il y a d’abord ces coups bien réels qui ont été assénés sans mesure sur les jeunes qui sont ressortis ensanglantés de leur action de protestation dans la Préfecture, où ils s’étaient introduits pour y déployer une banderole de soutien aux prisonniers politiques Alain Ferrandi et Pierre Alessandri à qui on refuse tout rapprochement et que l’on maintient à l’isolement dans leurs prisons sur le continent.
Évacuer de la Préfecture deux ou trois dizaines de jeunes alors que des centaines de policiers sont mobilisables en un instant peut se faire de toutes les manières. C’est juste une question de choix des moyens que l’on emploie face à des manifestants désarmés et sans intention violente. On peut les ceinturer un à un et les pousser vers la sortie. On a préféré les matraquer au visage et marquer ainsi, images à l’appui, la volonté d’une répression accrue par la violence policière.
Il y a aussi les coups politiques donnés par le Préfet dans ses différentes interventions publiques toutes empreintes d’une volonté d’imposer son autorité de représentant de l’État à ceux qui représentent encore, à son grand dépit, une majorité absolue des votes exprimés par le peuple corse. Particulièrement significative a été la façon dont a été traité le travail mené par l’Exécutif et les forces économiques insulaires en vue d’arriver à un plan de sauvegarde et de relance économique adapté à la Corse, région française dont le PIB a été beaucoup plus atteint que les régions continentales du fait de la pandémie Covid-19.
Les coups sous la table ne manquent pas non plus, par lesquels l’État veut s’imposer à l’Exécutif afin de privilégier ses choix propres. Ainsi la programmation des dernières opérations du PEI a été l’objet d’un bras de fer entre les deux co-décideurs, État et CdC. Il a fallu aller jusqu’à l’ultime limite fin 2020 pour arriver à un accord. Mais l’État tient sa revanche : il aura le dernier mot désormais dans la programmation du futur PTIC (Plan de Transformation et d’Investissements en Corse), qui prend la suite du PEI tout en modifiant sa gouvernance et en évinçant le Président de la CdC de la décision finale. Ainsi, comme l’a exprimé sans fard l’opposition lors de la session de janvier de l’Assemblée de Corse, l’État pourra négocier directement avec les intercommunalités de son choix sans associer la Collectivité de Corse. Laurent Marcangeli n’en sera que mieux satisfait même si la Corse recule dans la maîtrise de ses compétences !
Car il règne sur ces passes d’armes un parfum de campagne électorale. L’État a très clairement choisi un camp. Ce n’est pas le nôtre. Et il met en œuvre y compris les coups bas ! La dernière session de l’Assemblée de Corse en a été l’illustration. Car le Préfet n’est pas le seul « soldat » à défendre les intérêts politiques de l’État. La Chambre Régionale des Comptes peut s’y mettre aussi, et elle l’a fait dans son rapport sur les Chemins de Fer de la Corse.
On ne peut contester que toute politique publique mérite examen et critiques, et le dossier des CFC, qui ont bénéficié de crédits très importants depuis le début du PEI, ne peuvait échapper à cet examen. La conclusion de l’auditrice de la Cour des Comptes est celui d’un service public qui reste très coûteux et aux performances économiques limitées malgré les moyens mis à sa disposition pour sa modernisation depuis trois mandatures, celles d’Ange Santini, Paul Giacobbi et Gilles Simeoni. Mais la façon de mener les investigations, sans consulter les principaux intéressés, d’en rendre publiques les conclusions en orchestrant les fuites, et d’en faire une présentation orientée pour discréditer l’Exécutif à tort n’a pas échappé à l’observateur attentif. Gilles Simeoni a dû déployer tous ses talents d’avocat pour détourner les flèches et remettre les pendules à l’heure.
Mais on le voit avec cet exemple : les coups peuvent venir de partout, et ils ne vont pas manquer jusqu’à l’élection territoriale prévue pour juin prochain. Avec, pour l’État, un espoir de moins en moins secret : empêcher la réélection de Gilles Simeoni. •